Le patineur du futur (7/8) : les bras

Publié le par Vincent Esnault

Au bout d’une heure d’entretien avec la professeure Conteste, nous abordions le deuxième pan de ses recherches. Elle avalait son troisième café sans sucre, bien calée dans son fauteuil, tandis que je prenais le plus de notes possible. Ma main commençait à se crisper sur le stylo, et mon bras à fatiguer à force d’écrire. On en rigola presque, vu que justement, nous allions parler des bras.

 

 

A quoi peuvent bien servir les bras quand on fait un sport de jambes ? Principalement à tenir en équilibre. Mais aussi, il ne faut pas l’oublier, à se situer par rapport aux adversaires. Car les patineurs de vitesse sont plutôt libres de leurs bras. Pousser, écarter, retenir, rattraper, relever : ce sont aussi les bras qui font tout cela dans une course !

 

Autant dire que le sujet des bras a vite été expédié. Les scientifiques sont toujours très pragmatiques, même les scientifiques français, qui ont pourtant tendance à beaucoup polémiquer : pourquoi s’encombrer de bras démesurément longs si c’est pour les balancer inutilement autour du corps ? Pour la professeure Conteste, la discussion est aussi courte que les bras doivent l’être. Je me remémorais un patineur colombien qui présentait cette caractéristique morphologique justement : il avait longtemps été parmi les meilleurs mondiaux. Conteste avait sans doute vu juste.

 

C’est elle qui conclut notre entrevue par une remarque aussi sarcastique que détachée. Elle s’amusait d’être passée de la recherche agronomique à la recherche sur le génome, comme si l’homme faisait encore partie de la nature, et qu’on pouvait espérer le modifier comme on améliore le rendement du maïs ou la résistance de la tomate. Elle arrêta de parler trente secondes, qui en parurent cinq fois plus. Peut-être eut-elle un moment peur d’elle-même… Peut-être que non.

 

Notre conversation était maintenant finie et la nuit tombait sur Rotterdam. J’avais décidé de renter en France le soir même. La professeure Conteste se désola seulement de ne m’être d’aucune utilité au sujet du dernier jalon qui formerait le patineur du futur, à savoir le cerveau. Je la rassurais en lui disant que le professeur Sporkosy n’y avait pas réfléchi non plus… A eux deux, ils étaient d’ores et déjà capables d’assembler un patineur du futur comme on assemble un mécano. Mais il manquait encore la pièce maîtresse. A un moment, je me suis demandé si ça n’était pas un acte manqué de leur part de n’avoir pas poussé leurs recherches sur le cerveau. Se contenteraient-ils, bon an mal an, d’un sportif sans cervelle ?

 

 

Publié dans Le patineur du futur

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