Le patineur du futur (6/8) : le dos, la suite

Publié le par Vincent Esnault

Les Pays-Bas, c’est un peu la matrice du patinage de vitesse. Certes, on trouve aussi des traces anciennes de rollers « en ligne » en URSS ou aux Etats-Unis. Mais les premiers à avoir hissé ce patin à glace d’été au rang de sport à part entière, ce sont bien les Bataves. J’étais donc arrivé à Rotterdam fin février. J’avais rendez-vous avec la professeure Conteste dans le salon d’un hôtel qu’elle avait elle-même choisi, le Royal Republic, place de la Rose Fanée, pour un entretien de deux heures maximum. Heureusement que j’avais pris le temps de préparer une liste de questions essentielles !

 

 

A vrai dire, je ne savais pas grand-chose de la scientifique, tout au plus qu’elle était devenue d’elle-même une spécialiste de la recherche génétique dans les domaines du dos et des jambes des sportifs. Elle avait orienté ses recherches vers le patinage de vitesse à contrecœur, pour ainsi dire fatalement, puisque les autres sports plus médiatiques avaient déjà été explorés auparavant. Elle m’avoua assez rapidement qu’elle avait atterri dans le domaine de la génétique un peu par hasard, après avoir quitté l’INA, en cherchant comment vite rebondir.


La génétique n’est pas une discipline pour les apprentis-sorciers. La professeure Conteste le savait, mais il était difficile de le sentir quand on l’écoutait parler. Pour dire la vérité, il fallait surtout décrypter son message, qu’elle enrubannait de belles ficelles dorées pour rendre la forme plus belle que le fond. Elle parlait d’une nouvelle Révolution française une fois qu’elle aurait publié ses recherches – la première pour elle étant celle initiée par Marie Curie quand elle découvrit la radioactivité - et n’entendait pas vraiment partager sa gloire à venir avec son lointain confrère (en distance kilométrique), le professeur Sporkosy. D’ailleurs, rien que d’évoquer son nom semblait l’irriter…


J’essayais autant que faire se peut de me tenir à l’écart de toutes ces polémiques d’initiés qui me dépassaient un peu. Je voulais juste savoir où elle en était de ses découvertes en matière de dos et de bras. Elle commença par me parler du dos.


Contrairement au cyclisme ou à la course à pied, le roller de vitesse est un sport très sollicitant pour le dos. En cyclisme, celui-ci est encore tenu par l’assise de la selle ainsi que le guidon ; en course à pied, le dos reste assez droit et, bien qu’il faille aussi le tenir (donc le muscler), il reste tant que faire se peut dans l’axe de la course. En roller, c’est assez différent : le dos est courbé vers l’avant, en plus d’être courbé à droite ou à gauche selon le virage.


Madame Conteste confessa qu’elle avait eu du mal à trouver un angle d’attaque pour « créer » un dos génétiquement modifié de patineur de vitesse. Elle avait la base, mais avançait en aveugle. Son projet, c’était de mettre au point un dos à la fois musclé et souple, avec des muscles de la ceinture abdominale assez solides pour pouvoir le tenir quand il est en position de recherche de vitesse (c’est-à-dire tendu vers l’avant), mais également un tronc capable de pivoter le plus rapidement possible à l’approche d’une courbe.


Le déclic lui vint alors qu’elle était en week-end dans sa résidence secondaire de Marrakech : elle assista à un spectacle de dresseur de cobra au détour d’une ruelle. Le serpent était capable de se tenir droit sur son assise, et courbé à son extrémité, et il se dodelinait sans aucun problème à droite ou à gauche, selon l’endroit où l’emmenait son dresseur. Conteste décortiqua donc l’anatomie du reptile et dupliqua sa carte génétique. Le plus dur restait à faire : le cobra était-il compatible avec l’homme ? Certes, certains de nos congénères possèdent une langue de vipère, mais de là à se faire greffer un dos… Pour le coup, cela risque bien d’être révolutionnaire !


Au cours de mon enquête, j’ai rarement été aussi sceptique que devant le projet de dos de la professeure Conteste : son idée, au final, c’était donc d’implanter sur le patineur du futur un dos fait de multiples anneaux empilés les uns sur les autres verticalement, fixés sur un axe de type colonne vertébrale, mais assez libres par ailleurs pour pouvoir se pencher à droite ou à gauche selon l’orientation souhaitée. Rigidité et souplesse, ligne et virages : voilà bien des contradictions – que de toute façon, le patineur de vitesse doit résoudre tous les jours !

 

 

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Publié dans Le patineur du futur

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